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Recherche, Science & Santé

Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme : réalités d’un trouble complexe et femmes oubliées

Publié le : 02/04/2021 Temps de lecture : 1 min
Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme

Hélène Vulser, psychiatre responsable du Centre de Diagnostic et d’Évaluation Autisme Adulte à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et chercheuse dans l’équipe « Contrôle — Intéroception — Attention » à l’Institut du Cerveau, nous présente la complexité du trouble du spectre de l’autisme et nous présente ses recherches chez des femmes atteintes de TSA, trop souvent oubliées par la médecine et la recherche.

Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme : réalités d’un trouble complexe et femmes oubliées

On parle aujourd’hui de trouble du spectre de l’autisme (TSA), que recouvre ce terme ?

L’autisme est sujet qui pose beaucoup de questions. Depuis les premières descriptions, sa définition a beaucoup changé. Dans les années 50-60, on parlait de psychose ou de schizophrénie infantile. Jusqu’en 2013, on a parlé de « troubles envahissant du développement », qui comportait une catégorie « trouble autistique ». Les critères diagnostiques de ces derniers décrivaient une forme d’autisme plus restreinte que celle existant actuellement. Dans cette même catégorie de « troubles envahissants du développement », on retrouvait d’autres diagnostics comme le syndrome d’Asperger, et une catégorie de troubles « non spécifiés ». Finalement, un grand nombre de personnes répondait aux critères de trouble non spécifié. En 2013, le DSM 5, la 5e édition du manuel de classification internationale des troubles mentaux, a fait disparaître toutes ces catégories pour ne conserver que le trouble du spectre de l’autisme, rattaché à la grande catégorie des troubles du neurodéveloppement, qui regroupe aussi les troubles de la communication, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, le trouble du développement intellectuel ou encore les troubles spécifiques des apprentissages (dyslexie, dyscalculie…).

Quel est le rôle du centre de diagnostic et d’évaluation de l’autisme adulte ?

Le Centre de Diagnostic et d’Évaluation Autisme Adulte de notre hôpital a ouvert ses portes en 2012. Nous effectuons des bilans diagnostics et fonctionnels chez des personnes adultes orientées par un professionnel pour une suspicion de TSA. À l’issue du bilan, nous indiquons, si un TSA est effectivement ou non présent, et s’il est associé à une déficience intellectuelle ou à une altération du langage, s’il est en lien avec un syndrome génétique connu chez la personne ou à rechercher. Nous précisons quelle est l’intensité de la symptomatologie et si l’état de la personne nécessite une aide quotidienne modérée, importante ou très implorante. L’évaluation dite fonctionnelle a pour objectif de mesurer le niveau d’autonomie de la personne, ses capacités à communiquer, ou encore ses aptitudes au travail, afin de faire des préconisations pour orienter les personnes vers un ESAT (établissement et service d’aide par le travail), une structure d’accueil occupationnelle, prescrire des séances d’orthophonie ou de psychomotricité, un travail de remédiation cognitive, d’éducation thérapeutique, ou des séances d’entrainement aux groupes habiletés sociales par exemple.

Comment diagnostique-t-on un trouble du spectre de l’autisme ?

Le TSA se définit par deux dimensions : les troubles des interactions sociales et de la communication, et les intérêts et comportements restreints et répétitifs. Les troubles des interactions sociales et de la communication comportent 3 critères, qui doivent tous être présents pour définir un TSA. Le premier est le déficit de la réciprocité sociale et émotionnelle. Il s’agit de la difficulté à initier une conversation, à être dans la connivence, à comprendre les sous-entendus. Le second critère correspond aux troubles de la communication non verbale : le regard, les mouvements, l’intonation. Lorsque nous parlons, notre regard est dynamique, parfois dans les yeux de notre interlocuteur ou ailleurs vers notre environnement. Nos gestes également sont associés souvent au contenu de nos conversations. Ils peuvent être emphatiques ou descriptifs par exemple. Cette coordination est perturbée chez les personnes présentant un TSA. Enfin, le troisième critère est la difficulté à développer et à maintenir des relations sociales. Il y a souvent chez les personnes atteintes de TSA une difficulté à comprendre les différents types de relations, la différence entre un ami, un collègue ou un petit ami. 

La seconde dimension du TSA, les intérêts et comportements restreints et répétitifs, se décline selon quatre critères. Au moins deux critères sur quatre sont nécessaires pour poser le diagnostic, en plus des trois critères des troubles des interactions sociales. On retrouve les stéréotypies, des comportements très répétitifs, moteurs ou verbaux. Ensuite, l’adhésion inflexible au changement. Le quotidien des patients est souvent très ritualisé et toute perturbation de celui-ci va entrainer une détresse importante. Par exemple, modifier la disposition des meubles de la chambre d’un enfant autiste peut être à l’origine d’une détresse majeure. Le troisième critère correspond aux préoccupations ou intérêts envahissants ou inhabituels. Cela peut être soit un sujet envahissant, mais « normal », les échecs par exemple. Soit il peut s’agir de sujets très particuliers, une autoroute particulière par exemple. Le niveau de détail est très important et parler de ces sujets est souvent une source d’apaisement. Enfin, le dernier critère correspond aux particularités sensorielles, des hypo ou des hypersensorialités avec une grande sensibilité aux sons, aux odeurs, aux textures, et/ou une fascination pour certaines lumières par exemple.

Ces signes doivent avoir débuté pendant l’enfance. On ne devient pas autiste à 15 ans, mais un retard diagnostic est possible. Les symptômes ont pu être présents dans l’enfance, mais pas perçu en tant que tel. Pour poser un diagnostic, il faut également qu’il y ait un retentissement suffisant de ces symptômes sur la vie de la personne.

Il faut enfin que le trouble ne soit pas expliqué par autre chose. Il existe d’autres atteintes qui peuvent donner des troubles des interactions sociales et une certaine rigidité du fonctionnement, notamment les troubles de la personnalité. Dans notre centre, nous ne retenons le diagnostic de TSA que chez 25 à 30 % des personnes que nous recevons en consultation. Enfin, les troubles du neurodéveloppement sont très comorbides entre eux. Lorsqu’une personne présente un trouble des apprentissages ou de la communication par exemple, des traits autistiques sont très souvent présents également.

Quels sont les enjeux de la recherche sur les TSA ?

Les enjeux sont nombreux sur des questions génétiques, cérébrales ou développementales.

Chez l’adulte, en particulier, la question épidémiologique est importante. La statistique parlait initialement de 1 % de la population générale, mais des études récentes évoquent plutôt de 1 à 2 %. Il y a un vrai enjeu, car le diagnostic est aujourd’hui réalisé de façon clinique et donc parfois sujet à la subjectivité. À quel moment va-t-on considérer qu’un intérêt est restreint et répétitif par exemple ? Il serait donc très intéressant de mieux comprendre les corrélats neurobiologiques associés au TSA. En effet, les personnes diagnostiquées ne le sont pas nécessairement sur les mêmes critères, et présentent des formes très diverses de TSA qu’il est intéressant de mieux comprendre.

Vous vous intéressez aux bases neurobiologiques du TSA, et plus particulièrement chez les femmes, pourquoi ?

Une méta-analyse a montré que sur plus de 300 études d’imagerie fonctionnelle dans le TSA, seule 1 étude sur 15 avait inclus des femmes. Les corrélats neurobiologiques du TSA sont donc beaucoup moins étudiés chez les femmes. Cette disparité peut s’expliquer en partie par la prévalence du TSA, avec 4 hommes atteints pour 1 femme. Pourtant, les quelques études menées chez des femmes ont suggéré qu’il y aurait des différences au niveau cérébral par rapport aux hommes atteints de TSA.

Dans notre projet, nous avons un double intérêt. Nous voulons explorer les corrélats neurobiologiques du TSA chez des femmes adultes parce qu’ils sont très peu connus chez elles. Nous souhaitons comparer trois groupes, un groupe de femmes avec un TSA diagnostiqué dans notre centre, un groupe de femmes avec des traits autistiques ou « phénotype élargi », sans que nous retenions le diagnostic de TSA, et un groupe contrôle. Le « phénotype autistique élargi » correspond à des traits autistiques, qui peuvent avoir un retentissement sur la vie sociale, professionnelle et personnelle des individus, mais sans qu’ils justifient un diagnostic de TSA. Pourtant, il est possible que certains accompagnements mis en place pour les personnes avec TSA (p. ex. entrainement aux habiletés sociales) permettent d’améliorer également le fonctionnement des femmes avec phénotype élargi. En comparant des femmes avec TSA et des femmes avec phénotype élargi, nous espérons mieux comprendre les spécificités neurobiologiques de ces deux catégories et leur éventuelle continuité. La perspective est de pouvoir adapter la prise en charge pour ces deux catégories de personnes.

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