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Recherche, Science & Santé

Journée mondiale de l’épilepsie

Publié le : 10/02/2020 Temps de lecture : 1 min
Journée mondiale de l’épilepsie

En France 600.000 personnes sont touchées par cette maladie neurologique chronique qui peut se présenter sous différentes formes selon son origine. Environ 50% des épilepsies débutent avant l’âge de 10 ans.

Le point sur la maladie

Les crises d’épilepsie, symptôme d’un syndrome épileptique, sont la manifestation d’une hyperactivité cérébrale résultant d’une « hyperexcitation » des cellules nerveuses, les neurones du cortex cérébral. On distingue les épilepsies généralisées, 1/3 des cas, les neurones touchés propageant l’anomalie à l’ensemble du cerveau et les épilepsies partielles ou focales qui restent très localisées dans la région d’origine.

L’épilepsie peut avoir différentes causes comme une lésion cérébrale, on parle alors d’épilepsie symptomatique ou encore être d’origine génétique, les épilepsies idiopathiques. Il n’existe pas une épilepsie mais plusieurs syndromes épileptiques de sévérité variable qui se définissent par l’âge d’apparition des crises, leur cause, leur nature et leur fréquence et la réponse aux traitements médicamenteux. Le diagnostic de cette maladie repose sur des symptômes cliniques observés au moment des crises épileptiques et sur l’analyse d’un électro-encéphalogramme (EEG) c’est à dire un enregistrement de l’activité électrique des neurones cérébraux.

Aujourd’hui les traitements médicamenteux sont efficaces pour plus de 2/3 des patients, 30% des cas restant pharmaco-résistants. La thérapie chirurgicale est alors envisagée avec efficacité chez une majorité de ces patients.

La technologie à l’origine du progrès : la plateforme d’électrophysiologie CELIS EPhys

Découvrez le travail de la plateforme d’électrophysiologie CELIS E-Phys de l’Institut du Cerveau - ICM. CELIS-E-Phys développe des services et technologies de haut niveau pour enregistrer l’activité électrique (moyen de communication entre neurones) des cellules dans différentes conditions expérimentales (cellules isolées, coupe de tissu). Ce type de données est indispensable aux études en neurosciences, pour la caractérisation fonctionnelle de tout type cellulaire et l’étude de la plasticité du système nerveux.

 

 

Un nouvel axe de recherche à l’Institut du Cerveau : La bioénergétique synaptique

Le cerveau consomme une grande partie de notre apport énergétique quotidien. Les synapses en particulier, qui relient des neurones les uns aux autres, consomment beaucoup d’énergie. Chaque fois que les neurones communiquent entre eux, beaucoup d’énergie est consommée. Sans surprise, ne pas avoir assez d’énergie pour maintenir la communication neuronale entraîne des effets délétères.

Jaime de Juan-Sanz a rejoint l’Institut du Cerveau en 2019 comme chef de l’équipe « Physiologie moléculaire de la bioénergétique synaptique » pour développer un nouvel axe de recherche avec une application dans le domaine de l’épilepsie.

Le premier objectif de ses recherches est de comprendre les acteurs moléculaires essentiels impliqués dans le maintien de la bioénergétique des synapses en conditions normales.

Le deuxième objectif, davantage lié à la pathologie, repose sur l’hypothèse selon laquelle une bioénergétique altérée peut provoquer l’épilepsie. 170 mutations différentes chez l’être humain qui affectent la fonction de la mitochondrie, l’organite qui fournit de l’énergie aux cellules, provoquent l’épilepsie. Mon idée est de travailler sur une meilleure compréhension, à l’échelle moléculaire, de ce qui fait défaut dans les synapses d’un point de vue énergétique lorsque les mitochondries sont dysfonctionnelles et de voir s’il cela influence le développement de l’épilepsie.

 

Retrouvez l’interview complète de Jaime de Juan-Sanz ici : https://institutducerveau-icm.org/fr/actualite/jaime-de-juan-sanz/

10 ans de progrès et d’innovation à l’Institut du Cerveau : comment la génétique a changé notre vision de l’épilepsie

En 2013, l’équipe de Stéphanie Baulac et d’Eric Leguern a découvert un gène majeur, DEPDC5, situé sur le chromosome 22, impliqué dans des formes familiales d’épilepsies focales.

De façon surprenante, ce gène est impliqué dans des formes d’épilepsies dont les crises émergent de différentes régions du cortex (dites à foyer variable).

L’équipe de recherche a également montré que les mutations de DEPDC5 rendent compte d’épilepsies résistantes aux médicaments antiépileptiques, associées à des malformations du développement du cortex cérébral. La protéine DEPDC5 intervient dans une voie de signalisation cellulaire (voie mTOR) qui régule le développement cérébral en contrôlant notamment la production de nombreuses protéines ainsi que la migration ou la taille des cellules neuronales, un rôle qui diffère des autres gènes impliqués jusqu’alors dans les épilepsies focales. C’est la raison pour laquelle les chercheurs développent des modèles expérimentaux dans lesquels le gène DEPDC5 est altéré afin d’élucider les mécanismes responsables de ces épilepsies focales et de tester de nouveaux traitements antiépileptiques ciblés.

Récemment, l’équipe de Stéphanie Baulac met en évidence des mutations dites somatiques dans plusieurs gènes de la voie mTOR dans le tissu cérébral postopératoire de formes d’épilepsie focale associées à des malformations cérébrales, des dysplasies corticales focales (Baldassari et al. Acta Neuropath 2019). La cascade de signalisation mTOR, qui implique entre autres le gène MTOR. Les mutations identifiées étaient présentes uniquement dans quelques cellules du cerveau, présentes au sein de la malformation. Cette découverte a renforcé le concept émergent que le cerveau est mosaïque, chaque cellule le constituant comportant un ADN unique à chaque cellule.

 

Le gène DEPDC5 que l’équipe avait identifié en 2013 intervient en amont de la cascade de signalisation mTOR. L’équipe a aussi identifié pour la première fois une seconde mutation, présentes uniquement dans le cerveau, dans le gène DEPDC5, qui a pour conséquence l’inactivation totale du gène.  Il s’agit d’une mutation présente de façon mosaïque, c’est à dire uniquement dans quelques cellules du cerveau, et qui est apparu au cours du développement in utero. Ce type de mutation conduisant à l’absence totale de la protéine dans un nombre restreint et localisé de cellules expliquant l’apparition d’une malformation focale du cortex.

« Le développement de séquençage de nouvelle génération a permis la découverte de nouveaux gènes et de nouvelles voies de signalisation dans les épilepsies. En 2013, lorsque nous avons découvert ce nouveau gène, les épilepsies étaient considérées comme des canalopathies, atteignant donc les canaux ioniques présents à la surface des neurones. DEPDC5 ouvrait le champ des études sur la voie mTOR. Cette découverte est à l’origine d’un changement de paradigme dans l’étude de la physiopathologie de la maladie. »

Stéphanie Baulac, co-cheffe de l’équipe « Génétique et physiopathologie de l’épilepsie »

L’équipe cherche à présent à mieux comprendre les mécanismes pathologiques qui conduisent à la fois à la malformation et à la genèse des crises d’épilepsie, et comment les mutations des gènes de la voie mTOR contribuent à la variabilité clinique observée chez les patients à l’aide d’approche sur cellules uniques.

 

L’alliance de la clinique et de la recherche pour mieux comprendre les crises d’épilepsie

Le Pr Vincent Navarro, co-responsable de l’équipe « Excitabilité cellulaire et dynamiques des réseaux neuronaux » avec Stéphane Charpier et Mario Chavez, et responsable de l’Unité d’épilepsie à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et du centre de référence des épilepsies rares, explique l’importance des échanges permanents entre les services cliniques et l’Institut du Cerveau - ICM pour faire progresser les recherches sur l’épilepsie.

L’Unité d’épilepsie de la Pitié-Salpêtrière est l’un des centres les plus importants de la région Ile-de-France pour la prise en charge des patients épileptiques. Également centre de référence des épilepsies rares, nous observons des épilepsies d’origines extrêmement diverses. 25% des épilepsies sont dites pharmaco-résistantes, c’est-à-dire qu’elle résiste aux médicaments anti-épileptiques. Une option pour ces patients est le retrait du foyer épileptique par chirurgie. Pour cela, nous délimitons de façon extrêmement précise la région à retirer grâce à des électrodes intracérébrales. Cette technique est à la base d’un grand pan de nos recherches conduites à l’Institut du Cerveau.

Il y a quelques années déjà, à des fins de recherche, nous avons décidé de rajouter aux électrodes, des microélectrodes, comme de petits cheveux qui émergent du bout des électrodes, pour enregistrer l’activité de neurones uniques. Nous pouvons ainsi étudier le comportement des neurones au cours du sommeil, pendant la crise, entre les crises… Une nouvelle vision de ce qu’il se passe dans le cerveau des patients épileptiques s’est ouverte à nous ! Nous voyons aujourd’hui des choses que nous ne pouvions imaginer voir avant. Nous savons à présent que tous les neurones du foyer épileptique ne sont pas recrutés pendant la crise, ce qui allait à l’encontre du dogme existant dans l’épilepsie. Aujourd’hui, nous essayons de définir toutes les micro-variations dans l’activation des neurones au cours d’une crise pour éventuellement parvenir à définir des schémas communs entre les patients.

 

Ce sujet se nourrit des données acquises en continu auprès des patients de l’hôpital. C’est un exemple remarquable de l’intégration de l’Institut du Cerveau dans l’hôpital. Les serveurs de recherche de l’Institut du Cerveau sont directement reliés à l’Unité d’épilepsie dans l’hôpital. Cela est rendu possible grâce à la collaboration avec Katia Lehongre de la plateforme CENIR-STIM, dont le travail de coordination des enregistrements, des acquisitions des données et leur structuration, et les transmissions entre l’hôpital et l’Institut du Cerveau est indispensable. Grâce à cet écosystème, nous sommes le seul institut en France capable d’acquérir en continu toutes les données issues de microélectrodes intracérébrales d’un patient 24h sur 24, 7 jours sur 7.

Cette alliance de la clinique et de la recherche peut s’illustrer par deux autres de nos axes de recherche. Nous étudions particulièrement les encéphalites auto-immunes, des maladies inflammatoires où des auto-anticorps peuvent, de façon aberrante, cibler des protéines du cerveau. L’enjeu est grand car un patient qui développe une épilepsie à l’âge adulte, sans antécédent particulier, peut, jusqu’à preuve du contraire, être atteint d’une encéphalite. Nous sommes parvenus à identifier l’origine des crises d’épilepsie dans un type d’encéphalite et développons à présent des stratégies thérapeutiques pour empêcher les anticorps d’atteindre les protéines du cerveau et empêcher les crises.

Un autre axe de recherche porte sur les crises d’épilepsie qui ne s’arrêtent pas spontanément, ce qu’on appelle un état de mal épileptique. Pourquoi une crise d’épilepsie s’arrête-t-elle toute seule dans la quasi-totalité des cas et parfois non ? Pour mieux le comprendre, nous avons développé toute une série de biomarqueurs afin de suivre l’état du cerveau qui est soumis aux crises chez les patients. Notre objectif est de voir s’il existe un biomarqueur qui pourrait être prédictif de l’arrêt des crises, de la récupération du patient une fois que l’état de mal épileptique est terminé. Dès que nous identifions une piste, nous retournons au laboratoire, à l’Institut du Cerveau, pour tester nos hypothèses, mener des expériences, en lien particulièrement avec Delphine Roussel de la plateforme de neurophysiologie expérimentale, avec l’objectif de finalement revenir vers le patient avec de nouvelles stratégies thérapeutiques à lui proposer.

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