Aller au contenu principal

Soit 34,00 après déduction fiscale de 66%

Je fais un don mensuel Je fais un don IFI
Recherche, Science & Santé

Dans le cerveau des procrastinateurs

Publié le : 11/10/2022 Temps de lecture : 1 min
image adobe stock

Une équipe de chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS, de Sorbonne Université et de l’AP-HP au sein de l’Institut du cerveau à Paris vient de décrypter comment notre cerveau se comporte lorsque nous procrastinons. L’étude, menée chez l’humain, combine imagerie fonctionnelle et tests comportementaux et a permis aux scientifiques d’identifier une région du cerveau où se joue la décision de procrastiner : le cortex cingulaire antérieur. L’équipe a également mis au point un algorithme permettant de prédire la tendance à la procrastination des participants. Ces travaux sont publiés dans Nature Communications.

La procrastination et ses mécanismes

La procrastination, ou tendance à reporter des tâches qui nous incombent, constitue une expérience – souvent inconfortable voire culpabilisante – que nombre d’entre nous ont déjà éprouvée. Pourquoi alors, et dans quelles conditions, notre cerveau nous pousse-t-il à procrastiner ? Pour répondre à cette question, une équipe dirigée par Mathias Pessiglione, chercheur Inserm et Raphaël Le Bouc, neurologue à l’AP-HP, au sein de l’Institut du cerveau (Inserm/CNRS/Sorbonne Université/AP-HP) a mené une étude auprès de 51 participants.

Afin de décrypter le comportement de procrastination, ces individus ont participé à un certain nombre de tests durant lesquels leur activité cérébrale était enregistrée par IRM. Chaque participant devait d’abord attribuer de manière subjective une valeur à des récompenses (des gâteaux, des fleurs…) et à des efforts (mémoriser un chiffre, faire des pompes…). Il leur a ensuite été demandé d’indiquer leurs préférences entre obtenir une petite récompense rapidement ou une grande récompense plus tard, ainsi qu’entre un petit effort à faire tout de suite ou un effort plus important à faire plus tard.

Les données d’imagerie ont révélé l’activation au moment de la prise de décision d’une région cérébrale appelée cortex cingulaire antérieur. Cette région a pour rôle d’effectuer un calcul coût-bénéfice en intégrant les coûts (efforts) et les bénéfices (récompenses) associés à chaque option.

La tendance à la procrastination a ensuite été mesurée par deux types de tests. Dans le premier, les participants devaient décider soit de produire un effort le jour même pour obtenir immédiatement la récompense associée, soit de produire un effort le lendemain et de patienter jusque-là pour obtenir la récompense. Dans le second, à leur retour chez eux, les participants devaient remplir plusieurs formulaires assez fastidieux et les renvoyer sous un mois maximum pour être indemnisés de leur participation à l’étude.

Les données fournies par les tests réalisés en IRM ont servi à alimenter un modèle mathématique dit « neuro-computationnel » de prise de décision, mis au point par les chercheurs.

« Notre modèle prend en compte les coûts et les bénéfices d’une décision, mais intègre également les échéances auxquelles ils surviennent, explique Raphaël Le Bouc. Par exemple, pour une tâche comme faire la vaisselle, les coûts sont liés à l’aspect long et rébarbatif de la corvée et les bénéfices au fait que l’on retrouve à son issue une cuisine propre. Laver la vaisselle est dans l’instant très pénible ; envisager de le faire le lendemain l’est un peu moins. De même, être payé immédiatement après un travail est motivant, mais savoir qu’on sera payé un mois plus tard l’est beaucoup moins. On dit que ces variables, le coût des efforts comme la valeur des récompenses, s’atténuent avec le délai, au fur et à mesure qu’ils s’éloignent dans le futur », ajoute le chercheur. Ainsi, plus l’échéance est lointaine, moins l’effort paraît coûteux et moins la récompense paraît gratifiante. « La procrastination pourrait être spécifiquement liée à l’impact du délai sur l’évaluation des tâches exigeant un effort. Plus précisément, elle peut s’expliquer par la tendance de notre cerveau à décompter plus vite les coûts que les récompenses. »

Mathias Pessiglione

À partir des informations sur l’activité de leur cortex cingulaire antérieur et des données recueillies lors des tests comportementaux, les chercheurs ont établi un profil motivationnel pour chacun des participants. Ce profil décrivait leur attirance pour les récompenses, leur aversion à l’effort, et leur tendance à dévaluer les bénéfices et les coûts avec le délai. Ce profil permettait donc d’estimer la tendance à procrastiner pour chacun des participants. Une fois alimenté avec les données spécifiques à chacun de ces profils, leur modèle s’est révélé capable de prédire le délai mis par chaque participant à renvoyer le formulaire rempli.

Ces recherches pourraient aider à développer des stratégies individuelles pour ne plus repousser sans cesse des corvées qui sont pourtant à notre portée. Elles permettraient ainsi d’éviter les effets pernicieux de la procrastination dans des domaines aussi variés que l’enseignement, l’économie et la santé.

Sources

A neuro-computational account of procrastination behaviour

Le Bouc Raphaël 1,2 & Pessiglione Mathias 1

1Motivation, Brain and Behavior (MBB) Lab, Paris Brain Institute (ICM), Sorbonne University, Inserm, CNRS, Pitié-Salpêtrière hospital, Paris, France.

2Department of Neurology, Pitié-Salpêtrière hospital, Sorbonne University, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (APHP), Paris, France.

Nature Communications, septembre 2022

DOI : https://doi.org/10.1038/s41467-022-33119-w

Imagerie cérébrale équipe Pessiglione
Equipe
Motivation, cerveau et comportement

L’équipe "Motivation, cerveau et comportement" combine trois approches complémentaires : les neurosciences cognitives chez l’homme, la neurophysiologie chez le singe et la modélisation computationnelle, essentielle pour relier quantitativement les...

En savoir plus

D'autres actualités qui pourraient vous intéresser

Monocyte – un globule blanc qui se différencie en macrophage. Crédit : Université d’Edinbourg.
Découverte d’une anomalie liée aux macrophages dans la sclérose en plaques
Certains patients atteints de sclérose en plaques possèdent la capacité de régénérer partiellement la myéline, la gaine qui entourent les fibres nerveuses et qui est endommagée au cours de la maladie. En étudiant comment les cellules immunitaires...
08.11.2024 Recherche, Science & Santé
Interneurones. Crédit : UCLA Broad Stem Cell Research Center.
Cibler les interneurones inhibiteurs du striatum pour stopper les comportements compulsifs
Et si on pouvait résister aux compulsions ? Ces comportements irrationnels, que l’on observe notamment dans les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), sont très difficiles à réfréner. Pourtant, à l’Institut du Cerveau, l’équipe d’Éric Burguière...
09.09.2024 Recherche, Science & Santé
Les nerfs moteurs présents dans la moelle épinière se projettent vers la périphérie, où ils entrent en contact avec les muscles, formant des connexions appelées jonctions neuromusculaires. Crédit : James N. Sleigh.
Maladie de Charcot : les effets inattendus des ultrasons
Depuis une quinzaine d’années, les neurochirurgiens perfectionnent une technique fascinante : ouvrir temporairement la barrière hémato-encéphalique via des ultrasons, pour faciliter l’action de molécules thérapeutiques dans le système nerveux central...
30.08.2024 Recherche, Science & Santé
Un neurone
Syndrome de Rett : une nouvelle thérapie génique en vue
La thérapie génique pourrait constituer notre meilleure chance de traiter le syndrome de Rett, un trouble neurologique qui entraîne des déficiences intellectuelles et motrices graves. À l’Institut du Cerveau, Françoise Piguet et ses collègues ont...
11.07.2024 Recherche, Science & Santé
Lésions d’un patient à l’inclusion dans le protocole (M0) disparues après 2 ans de traitement à la Leriglitazone (M24)
Le double effet de la leriglitazone dans l'adrénoleucodystrophie liée au chromosome X (ALD-X)
En 2023, l’équipe du Professeur Fanny Mochel (AP-HP, Sorbonne Université), chercheuse à l’Institut du Cerveau montrait que la prise quotidienne de leriglitazone permettait de réduire la progression de la myélopathie des patients atteints d...
24.06.2024 Recherche, Science & Santé
Une tête de statue de l'île de Pâques sur laquelle sont posées des éléctrodes
Un meilleur pronostic de retour à la conscience des patients placés en réanimation
Lorsqu’un patient est admis en réanimation à cause d’un trouble de la conscience — un coma par exemple — établir son pronostic neurologique est une étape cruciale et souvent difficile. Pour réduire l’incertitude qui prélude à la décision médicale, un...
04.06.2024 Recherche, Science & Santé
Voir toutes nos actualités