En neurosciences, la créativité se définit comme la capacité à produire des idées originales et pertinentes dans un contexte donné pour résoudre un problème ou améliorer une situation.
Qu'est-ce que la créativité ?
Les données les plus récentes obtenues pour la plupart en IRM fonctionnelle, indiquent que la créativité dépend de la connectivité entre plusieurs régions du cerveau et repose sur l’interaction entre plusieurs réseaux cérébraux. Deux réseaux principaux sont mis en avant. Le premier, le réseau du contrôle exécutif, est habituellement impliqué dans les processus de contrôle cognitif, ceux qui nous permettent d’exercer un contrôle sur nos pensées, nos actes, nos comportements en adéquation avec nos objectifs… Le second est appelé en général le « réseau par défaut », et serait impliqué dans la cognition spontanée, comme lorsque l’on fait des associations d’idées, que l’on vagabonde mentalement. Ce réseau jouerait un rôle dans la génération spontanée d’idées, par association, alors que le réseau de contrôle exécutif permet de contraindre sa recherche d’idée, les manipuler mentalement, inhiber celles qui ne sont pas intéressantes et sélectionner celles qui le sont.
Evaluer la créativité
Il existe 3 principales approches, c’est à dire 3 catégories de tâches expérimentales, pour évaluer la créativité des individus. Ces tâches sont aussi utilisées pour explorer les bases cérébrales de la créativité en neuroimagerie.
La famille de tâches la plus utilisée est celle dite de « pensée divergente », qui consiste à demander à des participants de donner le plus d’idées possibles et inhabituelles. Par exemple, la tâche des usages alternatifs, pour laquelle on leur demande quelle utilisation ils pourraient faire d’un objet courant comme un stylo ou un trombone. On regarde alors le nombre d’idées proposées dans un temps donné et à quel point les idées sont originales, c’est-à-dire évoquées plus rarement par les participants.
Une deuxième approche, celle des « combinaisons associatives », dérive d’une théorie des années 1960 qui définit la créativité comme la capacité à combiner ensemble des choses qui ne sont habituellement pas associées entre elles, c’est-à-dire à créer de nouvelles associations et combinaisons. Cette capacité serait liée en partie à la fluidité et à la flexibilité de l’organisation de nos connaissances dans la mémoire sémantique, le stockage de nos connaissances sur le monde (objets, concepts, situations…). La tâche consiste à proposer trois mots à un participant, qui doit trouver un mot lié à chacun. Par exemple, « pain », « culture » et « herbe », sont associés au mot « blé ».
Une troisième approche consiste à proposer des problèmes à résoudre. Un des plus connus est le problème des neuf points (ci-dessous) où il faut relier tous les points en traçant 4 segments de droite, sans lever le stylo. Pour résoudre ce problème, il faut sortir du carré implicite que l’on s’imagine et tracer des segments qui sortent du cadre.
Ainsi ce type de problème permet d’étudier la capacité de sortir de l’impasse, de changer de perspectives et restructurer notre conceptualisation mentale du problème pour envisager d’autres types de réponses possibles que celles automatiquement et immédiatement évoquées.
À l’Institut du Cerveau
Le groupe d’Emmanuelle Volle s’intéresse aux processus de créativité. Grâce à une méthode de morphométrie en IRM fonctionnelle, l’équipe a identifié plusieurs régions dont la structure ou l’activité varient en fonction de la créativité des individus.
En dehors de plusieurs protocoles d’entrainement cognitif, visant à accroitre sa créativité, qui ont été publiés mais qui restent à solidifier en termes de preuve scientifique et de transfert à la vie réelle, il y a des facteurs sur lesquels il est sans doute possible de jouer dans sa vie personnelle.
On parle souvent à ce propos de la « phase d’incubation ». C’est la période entre le moment où on a atteint une impasse dans la résolution d’un problème et le moment où la solution au problème surgit alors qu’on faisait autre chose. Cette phase est appelée « incubation » car on pense qu’il se passe des choses durant cette phase où on ne cherche pas à résoudre le problème et qui favorise le fait d’avoir un Eureka. Des auteurs ont étudié cette phase et ont démontré que dans la majorité des études, cette phase d’incubation était bénéfique et encore plus si on effectuait une tâche plutôt que de ne rien faire.
Le groupe d’Isabelle Arnulf (AP-HP/Sorbonne Université), s’intéresse à l’influence du sommeil sur la créativité. Les personnes narcoleptiques, qui ont un accès privilégié au sommeil paradoxal, bénéficient d’une plus grande créativité, suggérant un lien entre cette phase du sommeil particulière, le sommeil paradoxal, et les capacités créatives. Très récemment, les chercheurs de l’équipe ont mis en évidence qu’il existerait une autre phase propice à la créativité au moment de l’endormissement. L’activer nécessite de trouver le bon équilibre entre s’endormir rapidement et ne pas s’endormir trop profondément. Ces « siestes créatives » pourraient constituer un moyen facile et accessible de stimuler notre créativité dans la vie de tous les jours.